Violences intimes queer - des spécificités à prendre en compte

Egales voire supérieures aux violences conjugales hétérosexuelles, essayons de comprendre le tabou des violences intimes queer.

VIOLENCESINTIMITÉQUEER

Romane Faure-Mary

8/22/20254 min read

Des spécificités à prendre en compte

Egale ou supérieure aux violences hétérosexuelles

Plusieurs études françaises ou internationales montrent que les violences conjugales au sein des couples LGBT sont aussi voire plus fréquentes que dans les couples hétérosexuelles (elles demeurent néanmoins d’une moins forte intensité). Il s’agit alors de considérer les violences intimes globales à hauteur de 25 à 33% de la société. Dans les couples de femmes les violences ont lieu davantage entre 20/40 ans tandis que pour les femmes hétérosexuelles elles apparaissent plus tardivement 50/60%. Les femmes lesbiennes et bisexuelles vivent davantage d’abus de confiance et de chantage émotionnelle tandis que les femmes hétérosexuelles subissent plus de violences physiques. Les hommes bisexuels ou gays ont davantage (que les femmes) vécues des violences durant l’enfance et ces violences perdurent également au sein des milieux gays. Les violences gays se retrouvent en majorité dans les espaces de sociabilité sexuelle (libertinage, chemsex) où la consommation de produits et l’anonymat sont régulier.

Malgré une forte similarité dans la proportionnalité de cette violence, elle n’est que très peu voire jamais prise en compte dans les campagnes de prévention contre les violences conjugales. Les professionnel-les du secteur n’y sont pas formé-es et les structures de prise en charge ne sont pas adaptées. Il est donc aujourd’hui très difficile d’orienter une personne LGBT victime de violence conjugale. En France, seulement quelques associations prennent ces violences en considération et elles sont majoritairement parisiennes : « Violences en milieu Queer », « Queer racisé ».

Cette absence de prise en charge s’explique à plusieurs niveaux. Tout d’abord les communautés LGBT sont perçues comme ayant des relations plus égalitaires, moins « genrées » tant par les membres de la communauté que par la société en générale. De plus, les femmes dans l’ensemble de la société sont perçues comme « non violente » par « nature » /sexisme, chose qui se reflète dans les relations lesbiennes/bies. La volonté accrue de lutter contre les discriminations dont cette communauté est victime (lgbti-phobie), crée à contrario des effets pervers de protectionnisme qui mène à la minimisation voire à la silenciation des violences ou difficultés internes. De ce fait, dans une communauté en lutte permanente contre les violences externes, les membres y dénonçant des méfaits sont régulièrement réduit au silence et accusé-es de « traitrise ».

Les personnes bisexuelles les plus touchées

La bi/panphobie a des impacts importants même au sein des communautés LGBTQIA+. Les diverses enquêtes montrent à quel point, ce sont les orientations sexuelles/amoureuses qui sont le plus victime de violences intimes. (Chantage émotionnel : femme hétérosexuelle 55.8% ; lesbienne 59.3 % ; bisexuelles 74.4% et violence pendant le sommeil : femme hétérosexuelle 9.9% ; lesbienne 16.7% et bisexuelles 34.6%).

Les raisons de cette violence spécifique sont majoritairement une vision hypersexualisée de la bi/pansexualité.

Analyse des raisons de la violence

Le féminisme matérialiste propose une analyse singulière des violences intimes queers et particulièrement dans les couples lesbiens.

La binarité de genre (homme/femme) régissant le système hétérosexuel sous-tend un rapport de domination où le masculin est dominant et le féminin dominé. Cette binarité mise au sein d’un système de valeur est à l’origine du sexisme sociétale. Chacun-e, vivant dans une société occidentale régit par la binarité de genre (et donc le sexisme), est socialisée par ses normes. Que la personne s’inscrive dans une hétérosexualité ou en sorte, ne change en rien la socialisation à la binarité de genre. Ainsi toutes personnes LGBTQIA+, a plus ou moins intégrées ces normes binaires qui créent un rapport de domination dans la dualité : le couple (amoureux/sexuel) est binaire. Outre cette binarité, le système hétérosexuel induit une homophobie latente en hiérarchisant les pratiques et les orientations sexuelles : hétérosexualité > homosexualité / pénétrant > pénétré-e.

Les violences intimes LGBTQIA+ sont interprétées, par le féminisme matérialiste, comme une intériorisation de la binarité sexiste et de l’homophobie sociétale. Ainsi, qu’importe le sexe des partenaires, une binarité de genre peut être reproduite dans un système de valeur dominé/dominant. Ainsi le partenaire « dominant » cherche à rappeler « à l’ordre du genre » son/sa partenaire en quête d’égalité ou d’indépendance. La santé mentale des personnes LBGTQIA+ est alarmante et un enjeu important pour la lutte contre les violences conjugales, puisqu’en effet l’homophobie sociétale est intériorisée et ensuite exprimée par une violence envers soi-même, envers autrui quand celle-ci n’est pas acceptée par l’individu lui-même.

Les violences conjugales, qu’elles soient lgbtqia+ ou hétérosexuelles, s’inscrivent dans un même mécanisme de binarité de genre dominant/dominé, mais ne s’expriment pas forcément de la même manière (types de violence) et ont besoin de prise en charge spécifique.

Les points essentiels

  • Spécificité/réalité des violences intimes queers

  • Besoin de formation des structures spécialisées dans la prise en charge des violences

  • Besoin de prévention et d’accompagnement communautaires

  • Le caractère systémique des violences conjugales (quelles soient hétérosexuelles ou queers)

BIBLIOGRAPHIE

“Les écarts de déclaration de violences conjugales entre les femmes lesbiennes, bisexuelles et hétérosexuelles” https://www.cairn.info/revue-population-2022-4-page-615.htm

“Les femmes lesbiennes et bisexuelles sont davantage victimes de violences sexuelles” https://www.mediapart.fr/journal/france/160521/les-femmes-lesbiennes-et-bisexuelles-sont-davantage-victimes-de-violences-sexuelles

https://www.solidaritelesbienne.qc.ca/violenceconjugale/

https://www.inspq.qc.ca/violence-conjugale/comprendre/contextes-de-vulnerabilite/personnes-lgbt

Pour une promotion de la santé lesbienne : état des lieux des recherches, enjeux et propositions : https://journals.openedition.org/gss/951

La violence des femmes et des lesbiennes : analyses et enjeux politiques contemporains ? : https://www.erudit.org/fr/revues/rf/2005-v18-n1-rf1091/012546ar/

Les violences sexuelles dans les vies des gays et des bisexuels. Configurations, dissémination et orientations intimes : https://www.cairn.info/revue-population-2024-1-page-75.htm?contenu=plan